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<SOUPAPE NARRATIVE

Louisa Vahdat


OOZIN’4 · JUIN 2021 
Considères-tu ta pratique artistique comme un vrai travail ?

En vrai, je dirai que c'est un vrai travail vu que je suis cassée en deux à la fin de la journée telle une femme accouchée. Mais comme je ne gagne pas d'argent avec pour l'instant, je pense que Macron ne serait pas d'accord avec moi.


©Louisa Vahdat

Le dessin représente quelque-chose de physique pour toi ? Tu as quel genre de relation avec cette activité ?

Pour l'instant je suis étudiante alors je suis obligée de me cadrer et de remplir mes objectifs. C'est vrai que je suis le genre de gens qui, sans cadre, passe sa vie à regarder des séries de merde en mangeant des chips. De façon plus générale, comme je fais plutôt des narrations, je suis obligée de me donner des buts pour arriver à finir mes projets.

Par exemple, des horaires de travail ?

Non, pas vraiment. Plutôt des trucs du genre : “ Ok, aujourd'hui je finis ça ! ” Et souvent je mets 10 ans de plus à les faire mais bon, pas grave. Des fois il y a des trucs qui me prennent beaucoup plus de temps au niveau de la réflexion donc je préfère ne pas me donner d'heures précises. Sinon après je pleure MDR ! Non c’est pas vrai je pleure pas.

Comment ça se passe, tu cherches d'abord des idées ou tu commences par le dessin tout de suite ?

En général, je réfléchis à des idées d'histoires quand je suis super concentrée dans ma douche. Des fois j'écris un texte et je pars de là, des fois je fais direct un story-board. Après, j'attaque les originaux avec un petit crayonné et ensuite mes petits feutres. Je ne fais pas de recherches de couleurs, du coup des fois je suis obligée d'enlever des éléments au cutter et de recoller un truc en dessous parce que c'est moche mais bon, c'est les risques du métier.

L'univers que tu crées vient-il d'abord d'une histoire à raconter ou d'une image que tu veux à tout prix réaliser ?

Elle est grave dure cette question ! Je me construis un univers depuis des années et je dirai que mes histoires s'inscrivent dedans. Après, j'ai des phases et des obsessions qui viennent nourrir mon travail comme par exemple les couleurs pastel, le Moyen Age, les smileys … Je dirai que je puise tout ça dans mes références artistiques et des courants/modes qui les traversent. Je me nourris du travail de pleins d'artistes, et pas seulement dans la bédé ou l'illustration, même si ça reste mes sources d'inspiration principales. Simon Hanselmann, Aurélie William Levaux, Joan Cornella, Dominique Goblet, Hugues Micol, Jeremy le Corvaisier, Emilie Gleason, Tom de Pekin, Michael DeForge, Kristen Liu Wong, David Shrigley…

Que peux-tu dire de tes autres références ? Viennent-elles compléter ce goût pour l'illustration ou t'apportent-elles quelque-chose de différent ?

C'est super important de s'intéresser à pleins de formes d'arts pour s'approprier vraiment une discipline, apprendre à casser les codes et surtout à toujours faire évoluer son univers. Je m'intéresse à la sculpture, la 3D, la littérature, l'animation, le tatouage, le pastis, les coupes mulets, les vidéos, les performances. C'est très intéressant quand la limite entre deux disciplines est très fine. Je m'intéresse à la peinture d'Aleksandra Waliszewka, Laurent Impeduglia, Marie Pierre Brunel, Yue Minjun, Xevi Solà Serra, et aux peintures du Moyen Age. Ainsi qu'à la photographie de Charles Fréger, Toilet Paper Magazine, Ren Hang, Daisuke Ichiba … Mais je pense que ma deuxième plus grande source d'inspiration, autant pour les histoires que pour les univers proposés, c'est le cinéma.

Une autre façon de voir la narration ? Quel est ton genre de cinéma ?

Je pense que c'est la première forme d'art qui m'a vraiment marquée après le dessin. D'abord, les films d'horreur m'ont attiré et finalement j'ai vu pleins de films très différents qui m'ont beaucoup nourri comme par exemple Gummo de Harmony Korine (je pense que c’est mon film préféré), les films de David Lynch, de Quentin Dupieux, récemment les films de Ari Aster qui pour moi est en train de redorer le blason des films d’horreur avec Hérédité et Midsommar. Il y'a aussi les films de Stephen Chow, de Park Shan Wook, de Wes Anderson, de Bruno Dumont, de Cattet et Forzani, de Marjane Satrapi, Get Out de Jordan Peele, le film La Favorite de Yorgos Lanthimos (et ses autres films aussi d'ailleurs), New Kids Turbo de Steffen Haars, Pieles d'Eduardo Casanovale, Willy 1er, Swiss Army Man, Napoléon Dynamite (bon allez je cesse). Il y aussi les séries mais je crois que je vais m'arrêter là.

Tu parlais des courants et des modes qui traversent l'art, quelles sont celles qui t'influencent le plus ?

C'est dur de répondre car je n'ai pas assez de recul mais dans le milieu de la bédé et de l'illustration indépendante il y a énormément de créations imprimées en RISO, des créations très colorées, fluo ou pastel, des styles graphiques qui se ressemblent. Après c'est sûrement que je remarque surtout les œuvres dont je me sens proche et que j'apprécie. En tout cas ce sont ces œuvres qui m'influencent et me redonnent de l'inspiration quand je suis en panne.

Pourquoi penses-tu qu'il faut toujours se renouveler dans les pratiques artistiques, est-ce que ça vient des attentes du public ? D'une lassitude personnelle ?

Je pense que ça se fait de manière plutôt naturelle : je suis influencée par ce que je vois, mes goûts changent et mon travail change avec eux. Mais de toute façon rester dans sa zone de confort sans aucune évolution c'est très vite lassant et surtout pas épanouissant. J'ai personnellement vite l'impression d’être une imposture si je reste dans la facilité. 


©Louisa Vahdat

Est-ce que ces références sont liées avec le fait de dessiner au feutre pour enfant ? Pourquoi cette technique ?

J'ai l'impression qu'il y a de plus en plus d'artistes qui utilisent le feutre et je trouve ça génial. D'abord parce que le feutre est censé être un matériau pour les enfants, qui n'est pas “noble” comme la peinture par exemple, puis parce que c'est une technique très ancrée dans notre époque. Il rend l'art plus accessible. Déjà au niveau du prix, ensuite au niveau de la technique, qui est à la fois simple à maîtriser et d'application rapide. Les marqueurs à alcool (ceux des magasins Action tmtc) et les feutres pour enfants permettent à la fois la création d'aplats de couleurs, de dégradés, de nuances et surtout de jeux de textures propres au feutre. Ils permettent donc de créer une imagerie avec des connotations enfantines en contraste avec l'histoire qui y est racontée.

Tu veux dire que le feutre pour enfant est une façon décalée de représenter des narrations qui ne sont pas à proprement parlé “pour enfant” ?

Oui

Qu'est-ce que ça raconte ?

En général c'est un ou des personnages qui prennent cher et souvent qui finissent par décéder. Il est question de perversion et de déviances. Ils sont lâchés dans des univers aux couleurs vives, détaillés, parfois à notre époque parfois au Moyen-Age. J'y mélange toujours une certaine réalité que je connais avec des éléments plus “fantastiques”.

Est-ce que la narration agît comme une poupée vaudou qui te permet d'exprimer des sentiments que la société a rendu tabous, interdits ?

Je crois que oui. C'est plus un défouloir. Ça doit venir de la frustration que j'ai eu très jeune où mes parents m'interdisaient toute vulgarité. Ils me disaient : “ si tu veux dire des “gros mots” tu vas aux toilettes. “ Du coup, je m'enfermais dans les WC pour dire “caca”, “pipi”, “cucul” pendant 10 min et ça allait mieux. On peut dire que l'art est devenu mes toilettes spirituelles.

Tu dirais que de manière générale tu es en contradiction avec un certain ordre établi ou que tu travailles en réaction avec quelque-chose ?

Je ne sais pas mais je ne pense pas vraiment. Ou alors ce n'est pas conscient. J'avoue ne pas conscientiser autant mon travail. C'est dur, j'ai mal au cerveau. Je pense que c'était peut-être le cas quand j'étais au collège et que je dessinais des mangas trop d4rk, mais plus maintenant. Je suis extrêmement mal à l'aise quand quelqu'un est choqué par mon travail. Après, je suis extrêmement mal à l'aise dans la plupart des situations. Comme par exemple une fois la caissière m'a fait une blague et je suis devenue toute rouge. Je travaille en réaction à des choses et je pense que mes valeurs ressortent peut-être dans mon travail même si elles sont très très sous-jacentes.

Comment tout a commencé ?

Je dessine depuis toujours, tout comme ma petite sœur ! Nos parents étaient artistes et nous ont donc vite encouragé. J'étais à fond dans un délire princesse, petit chat et papillons. Ensuite est venue la crise d'adolescence et là comme je le disais plus haut je faisais du manga en essayant de faire des trucs gore et c'était très moche et très mal fait. Au lycée j'ai commencé à rentrer vite fait dans le droit chemin. Ensuite j'ai fait une MANAA à l'Esma. L'ambiance était sympa mais vraiment l'école était chère et nulle. Après je suis partie à L'ESAVL à Liège où je suis en train de terminer ma dernière année de Master d'Illustration. En Belgique, tu n'as pas besoin d'avoir 10000 euros sous le coude ou le niveau technique d'un professionnel pour rentrer dans une école d'art après laquelle tu n'as aucun débouché.

Selon toi, le système scolaire détruit les vocations ? Ça représente quoi des études en école d'art ?

L'artistique n'est pas du tout mis en valeur par le système scolaire - ni par le système tout court d'ailleurs - qui considère ce secteur d'activité comme futile. Je connais des gens qui ont un grand potentiel mais qui n'ont pas les moyens de faire des études artistiques et surtout qui privilégient une formation avec des débouchés professionnels. C'est un milieu élitiste et je me sens très privilégiée d'avoir pu y accéder. De plus, certains professeurs dans les écoles d'art se permettent des attitudes révoltantes ou ne sont pas pédagogues, ce qui peut parfois pousser des personnes à quitter une voie artistique. Pour moi, tout le monde peut créer, être artiste. Je trouve ça dommage qu'une activité aussi épanouissante soit difficile d'accès et pleine de contraintes arbitraires. Après, je ne suis vraiment pas la meilleure personne pour en parler, d'autres le font beaucoup mieux que moi !

Qu'est-ce qui t'as poussé vers le dessin ?

J'ai choisi l'illustration car je suis depuis toujours attirée par la narration. Cette discipline très vaste m'a permis beaucoup d'expérimentations, autant en illustration qu'en bédé. Elle touche des techniques diverses et m'a inculqué les bases de la construction d'une image.

Quand tu parlais de “droit chemin” après être passé par une phase “princesse” et une phase “gore”, tu veux dire que tu as trouvé ton style ou bien tu veux dire que tu t'y es mise sérieusement ?

Et bien, je crois personnellement que c'est un peu des deux. J'ai commencé à chercher un style qui m'était proche et à déconstruire tous les codes que j'avais appris surtout en changeant totalement de références. J'ai aussi commencé à m'intéresser aux bases du dessin, notamment avec des cours d'anatomie. J’ai l’impression que le style d'un·e artiste c'est quand, quel que soit la technique utilisée, on le ou la reconnait. Pour moi c'est un peu une décantation de toutes mes références assimilées et de mon “coup de crayon” de base.

Mêler toutes tes références dans le contexte du Moyen-Age est une bonne manière de les faire décanter. Qu'est-ce que tu trouves d'inspirant dans cette époque ?

En histoire de l'Art, j'ai toujours eu l'impression qu'on s'arrêtait beaucoup sur la période de la Renaissance, le clacissisme, avec des artistes qui mettent beaucoup d'importance sur la technique et les règles comme la perspective ou l'anatomie. Le Moyen Age est toujours traité rapidement, comme s'il n'y avait rien à en tirer. On apprend que les artistes n'existaient pas à l'époque, qu'iels étaient considéré·es comme des artisans - et j'ai l'impression que l'histoire de l'Art actuelle a le même regard. Pourtant, quand j'ai commencé à découvrir des œuvres du Moyen Age, j'ai été vraiment impressionnée par la liberté des traits, les couleurs, les compositions et surtout les univers pleins de symboliques et d'histoires bibliques ultra-violentes. D'ailleurs, ces œuvres me font beaucoup penser à de l'illustration contemporaine, qui est encore très influencée par cette époque.

Quels sont tes projets en ce moment ?

Le premier est une bande dessinée qui s'inscrira dans un recueil. On y suit une jeune fille nommée Kristelle, qui entretient une relation parapsychique avec sa mycose. Après, j'ai un gros projet sur un démon/sorcière nommée Sabine, qui vient tuer les gens dans leur lit.
Voilà, en gros, sinon j'essaye de survivre à la canicule en buvant un max d'eau et en mangeant un max de Kinder Country.

Comment as-tu vécu la période du confinement en tant qu'artiste ?

Pour être honnête, ça n'a pas changé grand-chose à ma vie car je n'allais plus en cours et je ne sortais plus trop de chez moi. Du coup mon travail artistique est resté stable, peut-être même plus assidu.

Tu as remporté le prix Jeunes Talents au festival d'Angoulême, on en parle ou pas ?

Non. Ahaha trop marrant, quel bout en train cette Louisa nesspa mdr. En vrai, ça m'a permis de prendre confiance en moi (dans le domaine artistique bien sûr, parce que sinon j’ai toujours le stress au max quand je dois demander où sont les toilettes au resto) et d'avoir accès au festival, ce qui était génial. Mais je crois que c'est arrivé dans une période de ma vie ou j'étais encore à la recherche de mon style et j'ai l'impression de ne pas avoir assez profité des possibilités qui m'étaient offertes. Pour le pavillon Jeunes Talents notamment. J'ai l'impression que si on me donnait ça à faire aujourd'hui je ferai quelque chose de 100000 fois mieux. Mais bon, ne ressassons pas le passé.


©Louisa Vahdat





<TELL STORIES, LET STEAM OFF

Louisa Vahdat


OOZIN’4 · JUNE 2021 
Do you consider your artistic practices as real work?

In truth, it is a real job. Because at the end of a day of work, I’m like a woman giving birth. Like my body is tired. But, since I don’t make any money with it yet, I think Emmanuel Macron would not agree with me.

The drawing represents something physical for you ? What relationship do you have with this activity ?

For the moment, I’m in school, so it’s true that I must organize my work and follow objectives. Without any settings, I’m the kind of person who spends his life watching bad series and eating chips. Then, as I’m into narrations drawing, I have to give myself goals in order to finish my projects.

For example, working hours ?

No, not really. Rather things like : “ Ok, today I’ll achieve this ! ” And often, I put 10 years more to do it but hey, no problem. Sometimes there are things that take me more time to think about, so I prefer not to give myself deadlines because, after, I start crying haha ! No it’s not true I’m not crying.

How is it going ? Are you looking for ideas first or do you start to draw right away ?

I’m used to think about story ideas when I’m focused in my shower. Then, it depend, either I write a text and I start drawing, or I do a storyboard directly. Afterwards, I begin to draw the originals with a small pencil and then my small markers. I don’t do colors research and sometimes I have to remove part of the illustration with a cutter and put something else back on it because it’s ugly. That’s through mistakes that practice will improve.

Does the universe you create come first from a story you want to tell or does it come from an image that you want to represent ?

Hard question ! I have been building a universe for years and I can say that my stories fit into it. I have phases and obsessions that come such as pastel colors, the Middle Age, smileys … I think it comes from my artistic references and all fashions which cross them. Other artists’ works are sources of inspiration and not only from comics or illustration, even if it is the main one. For example : Simon Hanselmann, Aurélie William Levaux, Joan Cornella, Dominique Goblet, Hugues Micol, Jeremy le Corvaisier, Emilie Gleason, Tom de Pekin, Michael DeForge, Kristen Liu Wong, David Shrigley …

What can you say about your other references ? Do they complement this taste for illustration or do they bring you something different ?

It’s important to be interested in many forms of art to really appropriate a discipline, break the codes and grow your universe. I am interested in sculpture, 3D, literature, animation, tattooing, pastis, mullet cuts, videos, performances. When the space between two types of art is very fine, then it begin to be interesting. For example in painting with artists like Aleksandra Waliszewka, Laurent Impeduglia, Marie Pierre Brunel, Yue Minjun, Xevi Solà Serra, and paintings from the Middle Ages. As well as Charles Fréger’s photography, Toilet Paper Magazine, Ren Hang, Daisuke Ichiba … But I think that the biggest source of inspiration after those pictural references, as much for the stories as for the universes, is cinema.


©Louisa Vahdat

Another way to see the narration ? What is your type of cinema ?

I think cinema is the first form of art that really strucked me after drawing. Horror films first, and finally I saw a lot of very different pictures that fed me a lot like for example Gummo by Harmony Korine (I think it’s my favorite film), or those directed by David Lynch and Quentin Dupieux. Ari Aster too, who bring a new gaze of horror films with Heredity and Midsommar. There are also the films of Stephen Chow, Park Shan Wook, Wes Anderson, Bruno Dumont, Cattet and Forzani, Marjane Satrapi, Get Out by Jordan Peele, The Favorite by Yorgos Lanthimos (and all those he did before), New Kids Turbo by Steffen Haars, Pieles by Eduardo Casanovale, Willy 1er, Swiss Army Man, Napoléon Dynamite, … There are also series, but come on, I’ll stop there.

You were talking about fashions that cross art, what are those which influence you the most ?

It’s hard to answer because I don’t have enough perspective but in the world of comics and independent illustration there are a lot of creations printed with risograph duplicator, very colorful creations, fluorescent or pastel. For sure, I’m inspired by the works I feel close to me and which I appreciate but, in any case, these works have a big influence and give me inspiration when I am down.

Why do you think that there is always a need to make artistic practices renewing ? Does it come from the expectations of the public ? Personal weariness ?

I think it’s quite natural : I am influenced by what I see, my tastes change and my work changes with them. But anyway, staying in your comfort zone without any changes is quickly boring and especially not fulfilling. I personally feel like i’m fake if I rest on my laurels.

About all these references you listed, are they related to the fact of drawing with child pen color ? Why did you choose this technique to materialize your inspiration ?

Like we said earlier, it’s all about fashions and currents. I have the feeling that more and more artists use felt pens and this is great. Firstly because those tools are supposed to be used by children, what suppose that felt pens drawing isn’t a noble technics, not like painting for example. Then, because it’s a deeply actual technic. It makes art reachable, as much in terms of price as in terms of creation, because felt pens are simple to control and quick to apply. Alcohol markers (from Action stores, you know what I mean) and children’s felts allow you to create both solid colors and gradations, but also shades and textures that are specific to this kind of tools. It  make possible to create childish overtones imagery that contrast to the story you want to told.

Do you mean that children’s felt pens are for you an offbeat way to tell stories that aren’t for children ?

Yes.

What kind of story we’re talking about ?

Most of the time, one or more characters have hard times and often end up dying. It’s about perversion and deviance. They are living into a full of details and bright colored universe, sometimes in our time sometimes in the Middle Ages. I always mix a certain reality that I know with more fantastic elements.

Does narrations work like voodoo, allowing you to express feelings masked or forbidden by society ?

Yes, I think. It’s more like a stress reliever. It may come from a frustration that I had because, when i was young, my parents forbade me any vulgarity. They used to say : “ if you want to tell swear words,  go to the toilet. ” So, for 10 minutes I locked myself in the toilet, saying “poo”, “pee”, “ass”, and then i felt better. We can say that art has become my spiritual toilet.

Would you say that you’re against an established order or that you’re working in reaction with something ?

I don’t know, I don’t think so. I don’t make my work as conscious, it’s hard, my brain hurts haha. Maybe it was the case during highshool when I was drawing d4rk manga, but not anymore. I’m extremely uncomfortable when someone is shocked by my work but hey, i’m uncomfortable in most situations so … For example, one day in a shop, the cashier made a joke to me and I blushed. I work answering somethings and I think I show my values in my work, even if they are very very underlying.

How did it all start ?

I have always drawn, just like my little sister ! Our parents were artists and therefore they quickly encouraged us. I was completely in a princess, little cats and butterflies delirium. Then came teenage crisis, I was doing manga like I said before, trying to do gore stuff. It was very ugly and very poorly done. In high school, I started to get back on track. I did a preparatory class in a school called ESMA. The atmosphere was nice but school sucked and was very expensive. After it, I left for ESAVL in Liège, where I’m actually finishing a master degree in illustration. In Belgium, you don’t have to spend 10 thousand euros or to have a professional level to enter an elitist art school, where most of the time you’ll never have job opportunities after diploma.

Do you think school system is destroying artistic vocations ?

Art is not valued by school system, and besides by system in general, which considers it futile. I know people who have great potential but who don’t have enought money to study art and above all who prefer studies with professional opportunities. This is an elitist environment and I feel very lucky to have been able to access it. Moreover, some art schools teachers can sometimes forced people to leave their artistic path by their inept attitudes and absence of pedagogy. To me, creation must be open to all. It’s a fulfilling activity hard to access and ruled by a lots of arbitraty constraints, it’s a shame ! I’m really not the best person to talk about it, others do it much better than I do ! I chose illustration because I have always been attracted by storytelling. This activity has allowed me a lot of experimentations, as much in illustration as in comics, with various technics, while teach me the basics in image construction .

When you spoke of “get back on track” after going through a “princess” phase and a “gore” phase, do you mean that you found your style ? What do you think the style of an artist is?

Well, I personally believe it’s both. I started to look for a style that was close to me and to deconstruct all the codes that I had learned, especially by totally changing references. I also began to take an interest in the drawing basics, particularly with anatomy and drawing lessons. I think that an artist style is when whatever technique he or she use, you can recognize it. To me, it’s a fusion of all my assimilated references and my own “pencil stroke”.

Mixing your influences with the Middle Ages context is a good way to enlight them. What do you find inspiring about Middle Ages ?

To me, Art history always focus on Renaissance period, clacissism and artists who put a lot of importance on technique,  perspective or anatomy rules. Middle Ages is always overflewed, quickly. As if there was nothing to be learned from it. We learn that artists did not exist at the time, that they were seen as craftsmen - and I think today Art history is looking artists the same way. However, when I discovered Middle Ages artworks, I was really impressed by the freedom of the lines, colors, compositions and especially by the universes, full of symbolism and ultra-violent biblical stories. Moreover, these works remind me contemporary illustration a lot, still very influenced by Middle Ages.

What are you working on at the moment ?

Firstly, i’m working on a comic strip which will be part of a collection. This is the story of a young girl named Kristelle, who has a parapsychic relationship with her mycosis. Then, I have a big project about a demon witch, Sabine, who comes to kill people in their bed. Otherwise, trying to survive heatwave by drinking massive quantities of water and eating a lot of Kinder Country.

How did you experience the period of quarantine as an artist ?

To be honest, it didn’t change anything in my life because I didn’t go to class anymore and I didn’t go out too much. So, work has remained stable, maybe even more assiduous.

You won the Young Talents prize at the Angoulême festival, are we talking about it or not ?

No. Ahaha ! Louisa is too funny, doesn’t she ? LOL. In truth, it allowed me to gain self-confidence ( in artistic field of course, because I’m always stressed when I have to ask where the toilets are at a restaurant ) and it allowed me to access the festival, what was awesome. But I think it happened too early beacause I was still looking for my drawing style and I feel like I haven’t taken enough advantage of the opportunities that were offered to me. Especially for the Young Talents pavilion the pavilion for which I had to do the scenography. If this work was given to me today I would do something 100,000 times better. But hey, let’s not dwell on the past.

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OOZIN’ est une publication bilingue qui tend à rendre visible les réalités des travailleuses et des travailleurs de l’art. Elle est diffusée sous la forme d’un journal imprimé en risographie. 

Entretiens et conception graphique : Thomas Ducrocq {chmp}.
OOZIN’ is a bilingual magazine that tends to make art workers realities more visible/readable. It also exist in the form of a risoprinted newspaper.

Interviews and design : Thomas Ducrocq {chmp}


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